30 ans des sciences du jeu, “Le concept de “ distance ” de Jacques Henriot vu comme un espace virtuel de jeu »

Si le « jeu » n’est pas partout le même, Jacques Henriot affirme que les chercheurs emploient quand même toujours le même mot et font référence à une seule et même idée. Henriot croit en un noyau sémantique, un élément commun, une « unité du jeu » parmi la diversité des jeux. Ce « dénominateur commun », selon l’expression de Caillois, est ce qui fait qu’on joue dans tous les types de jeux. Ce noyau sémantique est, selon notre lecture de Henriot, la « distance » qui définit la fonction de jeu, car l’idée de jeu doit d’abord se comprendre d’une façon mécanique. Le jeu est avant tout ce vide qui permet de dire qu’il y a du jeu : dans les pièces d’un engrenage, dans les jointures, dans une penture, etc. « Ce n’est plus le jeu des hommes ou des animaux qui sert de modèle pour nommer le mouvement des choses, mais, à l’inverse, ce dernier qui fournit l’image adéquate pour expliquer l’autre » (Henriot, 1989 : 90). Jouer est alors considéré comme une opération dialectique qui met à distance le joueur. La forme du jeu est cette distance, cet intervalle qui permet au jeu d’exister pour un joueur.
La « distance » est donc un concept-clé pour comprendre la conception du jeu chez Henriot. Dans cette conférence, nous contextualiserons ce concept par rapport à la pensée générale de Henriot sur le jeu. Or, au lieu d’aborder la « distance » d’un point de vue psychanalytique, nous proposerons de définir ce concept à partir du concept de « virtualité » pour bien saisir la richesse de la réflexion de Henriot. Cette démarche nous permettra de démontrer à quel point la « distance » est au coeur de l’éthique du joueur et de son rapport à lui-même, aux autres et au monde.


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