« Gamification » serait pour certains « le buzz word de l’année 2010 » (Atelier français, 2010). Né à la croisée des jeux vidéo et du marketing, ce néologisme désigne aujourd’hui l’élargissement du paradigme ludique à des domaines dont il est censé être habituellement exclu : travail, santé, éducation… En tant que tel, il ouvre d’intéressantes perspectives de réflexion sur la place et la fonction de la notion de jeu dans la société actuelle.
Grâce aux outils d’analyse proposés par Jacques Henriot, notamment dans Sous couleur de jouer (1989), nous tâcherons ici de déterminer dans quelle mesure la notion de gamification (et d’autres qui gravitent autour d’elle, aussi bien le verbe « gamifier » et l’adjectif « gamifié[e-s] » que des notions proches telles « ludification » et « pointification ») offrent ou non la possibilité de mieux appréhender certains des phénomènes auxquels elle est associée aujourd’hui. Que gagne-t-on par exemple à « gamifier l’éducation » ? Quel sens et quelles visées faut-il attribuer à un tel projet ?
Nous explorerons notamment, à la lumière du réseau sémantique de la métaphore de jeu, le décalage entre les notions de game et play : en effet, choisir de construire « gamification » à partir du premier de ces deux termes, ne revient-il pas à mettre implicitement l’accent sur les artefacts et les systèmes de dispositions sans y associer nécessairement la notion de jouant, c’est-à-dire de sujet qui joue mais surtout qui choisit de jouer ?
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