Journée d’étude Vivre et parler les discriminations

Journée annuelle de “Saint-Denis territoire de migrations ?(3) Chercheur.e.s, actrices et acteurs locaux.ales en dialogues”, en visioconférence.
Coordination : Christine BELLAVOINE, Delphine LEROY, Jean-Barthélemi DEBOST, Alphonse YAPI-DIAHOU.

Inscription gratuite et accès à la journée d’étude “Vivre et parler les discriminations”

Présentation

Éléments de contexte
L’expérience migratoire tient une place importante à Saint-Denis, tant d’un point de vue historique que dans son actualité, à l’instar des anciennes villes industrielles de la couronne parisienne. Différents flux de populations infra et extra-nationaux ont été partie prenante de sa construction, de son développement et de sa dynamique démographique. Les reconfigurations géopolitiques de l’après-guerre et notamment de l’ère post-soviétique ont remanié la cartographie des migrations internationales. Des migrant.e.s de l’après-guerre venu.e.s majoritairement des pays du Maghreb puis d’Afrique de l’Ouest et composant une partie des ouvriers du territoire, ont habité et s’y sont installées. Les dynamiques actuelles, toujours en recomposition se traduisent d’une part par des migrations d’origines variées, asiatiques par exemple, et de nouveau cursus professionnels (ou d’activité) d’autre part. L’existence d’un parc de logements modestes voire dégradés, ont permis et permettent à des personnes à faibles revenus de s’y loger.
Actuellement, sa situation centrale dans la métropole parisienne, son réseau de transports diversifié, mais également la présence de compatriotes – familles et voisin·e·s- pouvant potentiellement les accueillir, continue de positionner Saint-Denis dans la ronde des villes d’accueil potentielles des actuel.le.s migrant.e.s du monde entier. Mais de l’usine aux quartiers, des chantiers aux camps, la question des migrations est passée de celle des travailleurs immigrés, à celle des regroupements familiaux, puis à celle des réfugié·e·s et exilé·e·s ainsi que celle de l’intégration » et des quartiers en difficulté.
Aujourd’hui, Saint-Denis est composée de 31,6% d’habitant.e.s de nationalité étrangère et de 39% d’habitant.e.s immigré.e.s. Les pourcentages de personnes immigrées figurent dans de nombreux diagnostics et argumentaires en vue de caractériser les territoires et construire des projets et actions visant à «l’intégration» des personnes considérées. Ce faisant, ils sont souvent présentés comme des indicateurs « négatifs » pour le territoire, associés à ceux de pauvreté, de chômage, de difficultés sociales et économiques diverses pour les habitants (maîtrise de la langue, accès aux papiers, aux droits et aux services, etc.). Les migrations sont également souvent renvoyées aux tensions des rapports sociaux dans les espaces publics de la ville (incivilités, délinquance, etc.).
D’un autre côté, les migrations peuvent être valorisées dans les discours, notamment dans le champ culturel, à travers le dynamisme d’une ville jeune, « d’une ville monde », au « carrefour de toutes les cultures », qui favorise la créativité artistique et la cohésion sociale. Mais, ne nous y trompons pas, souvent « Derrière les discours lénifiants sur les vertus du métissage et du cosmopolitisme s’exprime un raidissement autour des normes culturelles de la majorité » (Simon , 2015, 93).
Au-delà de ces représentations, nos journées d’étude proposent de travailler à hauteur de la vie, des villes, des quartiers, pour mieux comprendre la question des migrations qui les traverse et sur lesquelles ils agissent en retour. Il s’agira notamment, à l’instar d’Anouk Flamant (2017), de situer les contextes et inviter à penser « le changement dans les politiques publiques, en l’occurrence le passage d’une politique d’intégration à une politique de lutte contre les discriminations raciales, [qui] nécessite de le saisir au prisme des configurations locales dans lesquelles il se produit. ».

Motivation et objectifs de la journée
L’idée d’une journée d’étude co-construite entre l’École Doctorale (ED) Sciences Sociales de l’Université Paris 8, l’Institut Convergence Migration (ICM) et la Mairie de Saint-Denis part du constat de l’intérêt de porter à la connaissance des acteurs locaux les recherches en cours au sein de l’ED qui abordent des problématiques sur lesquelles ils sont amenés à agir. Ainsi, la question migratoire est présente dans le répertoire des thèses où plusieurs doctorant.e.s, abordent les migrations selon différentes entrées. Les sujets sont traités en effet selon des approches qui se réfèrent au droit, à l’économie, à la sociologie, à l’anthropologie, à la science politique, aux sciences de l’éducation à la géographie et à la géopolitique. L’Institut Convergences Migrations, présent également sur le territoire, regroupe des chercheur.e.s en sciences humaines et sociales, et sciences de la vie travaillant spécifiquement sur les migrations.
Le projet vise à faire se rencontrer et dialoguer chercheur.e.s et acteur.rice.s engagé.e.s sur ces thématiques et les différentes institutions présentes sur le terrain. La perspective est de favoriser les échanges sur leurs questionnements respectifs, leurs démarches, leurs expérimentations, leurs résultats et les conditions et moyens de collaboration. Il s’agira aussi d’identifier des questions émergentes ou des évolutions insuffisamment interrogées de ces problématiques anciennes. Nous souhaitons articuler les questionnements et apports des participant.e.s à la question des territoires, et en croisant les échelles.
Deux premières journées d’étude sur ce thème, organisées en 2019 et 2020, nous ont permis de vérifier l’intérêt de ce format (http://www.sciences-sociales.univ-paris8.fr/). A la faveur des tables rondes, des dialogues se sont amorcés entre intervenant.e.s et avec les participant.e.s. Lors des précédentes éditions, nous avons débattu des thèmes suivants : les évolutions des migrations, les enjeux des catégorisations et de l’accueil, ; le travail et l’économie et les représentations dans la ville à travers notamment l’enjeu des langues (cf. actes en cours).
Nous organiserons cette troisième journée autour d’un fil rouge qui a commencé à se tisser au cours des deux premières : celui de l’enjeu des discriminations des migrant·e·s.

Vivre et parler les discriminations
Le thème de la discrimination est depuis les années 2000 inscrit dans le débat public et la création de la Halde en 2004 constitue une reconnaissance par l’État d’un problème public. Issu des mobilisations contre le racisme, le recours au terme de discrimination introduit les effets de processus qui ne seraient pas toujours intentionnels, mais également de justifications beaucoup plus pernicieuses, car elles ne se déclarent pas en tant que telles. Les termes employés par les services publics à destination des citoyen.ne.s sont les suivants :
« La discrimination vise à défavoriser une personne pour des motifs interdits par la loi. Par exemple : l’origine, le sexe, l’âge, l’orientation sexuelle, les convictions politiques, philosophiques ou religieuses. La discrimination fondée sur un de ces motifs est sanctionnée par la loi pénale. »
Bien souvent les personnes victimes de discriminations ne saisissent pas leurs droits (articles 225 -1 à 225-5 du code pénal) pour peu qu’elles en aient connaissance, car nombre de ces pratiques demeurent très courantes dans l’espace social, comme incorporées, même si peu à peu dénoncées comme illégales (notamment concernant les discriminations liées au handicap ou celles liées au genre). Le débat public, médiatique, pèse lourd dans la prise en compte réelle de ces injustices quotidiennes, qui entravent le principe d’égalité entre citoyen.ne.s et provoquent, si elles ne sont pas combattues, une colère diffuse et parfois incontrôlée (émeutes de 2005).
L’accès au logement, à la formation, à l’emploi, à la santé, aux droits et aux services publics sont autant de parcours pour lesquels l’épreuve des discriminations est la plus forte. Ces domaines renvoient autant aux conditions de vie et d’évolution des populations dans la société qu’ils en dessinent les profils et les paysages des territoires. Ces conditions définissent des critères d’accès aux biens et services situés, renvoyant ainsi à des profils sociaux, économiques, culturels, bases/fondements des catégorisations sociales ! On pourrait également dire que ces critères dessinent les territoires par les choix d’investissements qui y sont effectués et leur ampleur.
La question des discriminations revient couramment dans le discours dès lors que celui-ci se rapporte aux personnes en situation de migration réelle ou ressentie, notamment dans les quartiers populaires. Une recherche récente (Talpin & alii, 2021, empl. 198) s’est proposée « précisément d’interroger les conditions par lesquelles l’expérience de la discrimination est progressivement interprétée comme injuste » dans ces quartiers.
Bien entendu, il n’y a pas toujours surdétermination d’un seul facteur conduisant systématiquement à la discrimination, mais plutôt une addition, une accumulation, une combinaison comme l’approche intersectionnelle le souligne. Les facteurs peuvent se croiser, multipliant ainsi les probables expériences discriminatoires des personnes. L’enquête TEO 2 (Trajectoires Et Origines) indique qu’ « il est indispensable d’étudier les liens entre les origines et d’autres facteurs de différenciation dans la société française, notamment le milieu social, le genre, l’âge, le niveau d’instruction, le revenu et le quartier. » (https://teo.site.ined.fr/)
L’enjeu de la journée est de travailler collectivement, à partir de recherches, de pratiques, de situations et d’expériences des personnes. On s’interrogera sur la nature des différentes formes de discrimination, sur les ressentis et les représentations des différents protagonistes ainsi que sur ses lieux et cadres d’expression.

Cette journée s’organisera en quatre temps.
Conférence introductive : mesurer les discriminations ? L’enquête TEO permet de mesurer finement les discriminations telles qu’elles sont perçues. Patrick Simon, l’un des responsables de cette enquête, viendra en évoquer les principaux enseignements.
1ere table ronde : vivre et parler les discriminations
Les expériences vécues peuvent être interprétées de manières très différentes, pensées comme des situations liées à sa propre personne, son comportement, l’attitude de l’interlocuteur.trice, de contextes de dominations, ou de manières plus générales et politiques.
Quand et comment les individus parlent-ils de ces expériences, en tant que femmes, jeunes, habitants des quartiers populaires, migrants ou renvoyés à l’altérité de la migration ? Comment s’entrecroisent et se combinent ces différents facteurs, de leurs points de vue, et comment y régissent-ils ? Entre honte, déni, colère, mobilisation, quelles sont les stratégies mises en place pour s’y soustraire ou y faire face ? Il s’agira également de comprendre les conséquences des expériences de discrimination dans la construction de soi et la projection dans l’avenir.
2eme table ronde : les parcours scolaires et universitaires
La formation représente un lieu de socialisation majeur. . De l’école à l’université, il est censé représenter un moyen d’accès égalitaire aux savoirs et diplômes, or les chiffres ne cessent de conforter les résultats déjà alarmants et anciens sur une culture de l’école qui reposerait, notamment, sur un langage implicite inconnu dans certains environnements familiaux (Lahire, 2008).
Concernant les parcours scolaires des migrant.e.s et enfants de migrant.e.s, plusieurs études les explorent sous l’angle de l’égalité de la réussite scolaire ou non. D’autres abordent la question du vécu des études supérieures en terme de rupture culturelle, pour des jeunes issus de l’immigration (Durez, 2016), mais également issus de quartiers populaires, pour lesquels de nouveaux codes sociaux sont à acquérir, mais qui découvrent aussi parfois leur altérité dans le regard des autres. Comment expriment-ils, expliquent –ils ces décalages ressentis ?
3eme table ronde : les langues des étrangers, objet de discrimination ou richesse ?
On a vu lors des précédentes journées combien l’apprentissage de la langue française relève très souvent de l’injonction, indissociablement liée en termes de représentations et de législation à celle de l’intégration. Ce faisant, les langues maternelles parlées par les migrant·e·s ne reçoivent pas la même reconnaissance que celles des langues étrangères, plus « commerciales », enseignées dans les établissements scolaires. La transmission aux enfants a longtemps été considérée par les parents comme un écueil pour une intégration réussie. Qu’en est-il aujourd’hui ? Comment la présence de locuteurs et locutrices de sa langue est-elle une ressource pour les migrants fraichement arrivés ? Comment les territoires se saisissent et partagent la richesse culturelle que la pluralité des langues présentes sur le territoire suppose ? Comment les territoires adaptent ou non les services aux habitant.e.s non francophones ?

Programme

9h accueil : Ville de Saint-Denis

9h15-10h45 Conférence introductive : Mesurer les discriminations ?

Patrick Simon, socio-démographe, directeur de recherche à l’INED, directeur du département Integer au sein de l’ICM. Co responsable de l’enquête TEO (Territoires et Origines).
10h45-11h : Pause

11h-12h30 1ere table ronde : Vivre et parler les discriminations

Discutante : Marie Peretti Ndiaye (sociologue, directrice de la collection « Singulières migrations » aux PUV)
Serena Naudin, doctorante CIFRE, Modus operandi, CRESPPA. « Quelle place pour la parole de personnes à la recherche de refuge ? Des espaces radiophoniques pour développer la prise de parole de personnes dominées. »
Association ACINA (Accueil, Coopération et Insertion pour les Nouveaux Arrivants) : « Les femmes roms et l’accès à l’emploi »
Anaïk Purenne, sociologue, co-autrice L’épreuve des discriminations, enquête dans les quartiers populaires

12h30-14h : Pause méridienne

14h-15h15 2eme table ronde : Les parcours scolaires et universitaires

Discutant : Jean-Barthélemi Debost (Institut Convergences Migrations – partenariats locaux , médiation scientifique)
Maïtena Armagnague, université de Genève, sciences de l’Education, FPSE, affiliée ICM : « L’expérience migratoire dans l’orientation scolaire »
Jules Bodet, Institut Français de Géopolitique (IFG), Université Paris 8 : « Étudier un établissement scolaire ségrégué : une exploration de l’influence des dimensions spatiales, sociales et raciales »
Alphonse Yapi-Diahou, professeur émérite, université de Paris 8/UMR LADYSS, ancien directeur de l’Ecole Doctorale Sciences Sociales (ED 401) : « Parcours doctoral des étudiant.e.s. étrang.er.ère.s»

15h15-15h30 : Pause

15h30-16h45 3eme table ronde : Les langues des étrangers, objets de discrimination ou richesses ?

Discutante : Delphine Leroy (Université Paris 8/Expérice – anthropologue – maîtresse de conférences – sciences de l’éducation – affiliée ICM)
Philippe Blanchet, professeur de sociolinguistique (communication plurilingue et interculturelle) université de Rennes, Coordonnateur français du Réseau algéro-français LaFEF
Nabil Wakim, journaliste, auteur de L’arabe pour tous. Pourquoi ma langue est taboue en France ?
George Pau-Langevin, adjointe en charge de la lutte contre les discriminations et de la promotion de l’égalité de la Défenseure des droits

16h45-17h00 : Avant de se quitter

Christine Bellavoine, sociologue – mairie de Saint-Denis
Alphonse Yapi-Diahou, professeur émérite, université de Paris 8/UMR LADYSS, ancien directeur de l’Ecole Doctorale Sciences Sociales (ED 401)

Pour en savoir plus

Date

05 Mai 2021
Expired!

Heure

9 h 00 min - 17 h 00 min

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